Dominique BAILLY

Dominique BAILLY

Maire de Vaujours (93), Vice-Président de l'Association des Maires d'Île-de-France en charge de la commission prévention sécurité.

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Publié le 11 Mars 2015, 16:56pm

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Qui veut la mort des communes ?

Depuis plusieurs années, il est de bon ton – tout spécialement dans la presse nationale dite d’opinion, habilement instrumentalisée par quelques hautes administrations – de s’indigner de la « gabegie » à laquelle se livreraient sans retenue les collectivités locales françaises, et notamment les communes.

Beaucoup de mauvaise foi et d’approximations dans ces jugements à l’emporte-pièce, dont nous avons malheureusement pris l’habitude et que nous, élus locaux, ne combattons pas suffisamment, tant ils ne résistent pas à une analyse sérieuse, y compris sur le plan économique. Rappelons tout simplement que les collectivités locales ne présentent aucun déficit de fonctionnement, bien au contraire, puisqu’elles autofinancent une majeure partie de leurs investissements. Lesquels, du reste, représentent près des trois-quarts des investissements publics, comme le soulignent à l’envi les entreprises du BTP.

Le mal finit par faire son œuvre. Lorsqu’un chiffre (en l’occurrence l’augmentation supposée de la masse salariale dans les collectivités locales) lâché par un ministre dans une réunion de commission parlementaire, sans aucune preuve ni démonstration, est repris en boucle dans la presse nationale sans que personne ne s’interroge sur sa véracité, sans que ceux que ce chiffre est sensé accuser (les élus locaux) soient même informés de ce calcul, sans qu’aucune réponse précise ne soit apportée à nos demandes d’information, on n’est pas très loin de la « manipulation ». Au demeurant, l’affaire récente des dizaines de milliers de logements nouveaux « oubliés » vient rappeler à point nommé les failles de l’appareil statistique national sans qu’il soit besoin d’insister sur la légèreté et du ministre, et des observateurs, qu’il y aurait à baser déclarations, éditoriaux et décisions sur des chiffres aussi fragiles !

Apparemment, il y a quelque incohérence à manifester un tel acharnement à l’égard des élus locaux et des fonctionnaires territoriaux, de la part d’un pouvoir central qui se dit pourtant héritier de ce qui a été fait dans les années 80 en matière de nouvelle répartition des pouvoirs entre Paris et les territoires. Pourquoi ainsi remettre en question 30 années de progrès territorial, pendant lesquelles les collectivités ont équipé le pays d’infrastructures qui contribuent fortement à son attractivité, tout spécialement, il est vrai, dans les grandes métropoles ? N’y aurait-il pas en définitive une forme de facilité à renvoyer sur le dos des pouvoirs locaux – dont on sait qu’ils sont encore insuffisamment organisés, hélas, pour répondre avec suffisamment d’efficacité dans les médias – la responsabilité des difficultés du pays en matière de finances publiques et à dédouaner ainsi l’Etat, au moins partiellement, de ses responsabilités vis à vis de ses censeurs, la Commission européenne en particulier ? N’y-a-t-il pas quelque contradiction à préférer attaquer le service public plutôt que les aides généreusement distribuées à certaines catégories d’acteurs économiques ? Il semble finalement exister des lobbies bien plus efficaces que celui, supposé, des élus locaux, même si le cumul des mandats en fait siéger un grand nombre au Parlement …

Toutes les collectivités locales sont mises en cause. Mais les plus concernées et les plus fragiles aujourd’hui sont les communes. Elles sont l’ultime échelon vers lequel la population se tourne. Et il n’y a personne sur qui transférer les responsabilités ou le poids budgétaire, contrairement à ce que font – à leur corps défendant bien souvent – départements et régions.

Habilement, personne ne demande explicitement la disparition de la commune. Au contraire, on leur maintient même la fameuse clause de compétence générale, qui leur permet d’intervenir sur tout sujet d’« intérêt communal ». On sait les Français attachés au modèle communal. Mais tout est fait pour faire « évaporer » la commune et le fait communal. L’étranglement financier d’abord, en faisant supporter aux communes l’essentiel de la baisse des dotations alors même qu’elles ont les dépenses les plus contraintes et les plus rigides. La perte d’autonomie ensuite, en édictant des normes de gestion de plus en plus contraignantes et la plupart du temps inadaptées. La perte de pouvoir réel enfin, en obligeant à une intercommunalisation devenue trop systématique, de plus en plus technocratique et souvent vide de sens.

Qui est à la manoeuvre ? La plupart de celles et ceux qui pratiquent le « commune-bashing » le font pour suivre la mode et le discours dominant. Ils n’ont aucune idée de ce que font, au quotidien, les communes, leurs élus et leurs agents. Ils ânonnent ce que leur dicte la bien-pensance dominante. Le pire est qu’ils sont parfois sincères.

Mais il y a ceux qui savent parfaitement ce qu’ils font : quelques élus nationaux soucieux de se construire une image de rigueur, quelques ministres qui pensent ainsi occulter leur propre insuffisance, des hauts fonctionnaires d’Etat qui servent parfois des intérêts autres que le service public et se construisent à peu de frais une bonne image à Bruxelles, des « observateurs » de « fondations » au statut et au financement improbable qui vendent leurs ouvrages en égrenant un mélange d’évidences, de contre-vérités et de raccourcis simplistes, quelques éditorialistes de presse se disant de gauche comme de droite qui rabâchent un discours populiste, tous parisiens pour la plupart, et prompts à donner des leçons de vertu gestionnaire sans avoir jamais été confrontés à la réalité du terrain. Tous ceux-ci ont en commun, finalement, de mépriser le peuple et les élus locaux.

Pendant  ce temps-là, le service public de proximité continue de fonctionner. Même parmi ses détracteurs, il en est qui font collecter leurs ordures ménagères, circulent dans les rues, demandent des places de crèches pour leurs enfants, les inscrivent à l’école publique, sollicitent une entrée dans un établissement d’accueil pour leurs parents, voire même fréquentent le theâtre public …

Ce service public de tous les jours, rendu par des agents publics formés et motivés, c’est l’ADN de notre pays. C’est notre choix républicain, de longue date, de faire assurer la plupart des fonctions collectives (éducation, soutien à la famille, accès à la culture, solidarité, infrastrutures, …) par le service public dans le respect des valeurs de neutralité, de laïcité et d’accessibilité universelle, et non par des communautés notamment religieuses, comme c’est le cas dans d’autres pays. C’est pourquoi le service public, notamment communal, est naturellement le meilleur rempart contre le communautarisme. C’est pourquoi également les responsables politiques, au plus haut niveau, doivent prendre l’exacte conscience des conséquences des décisions qu’ils prennent et nous imposent sans discussion, par exemple en terme de moyens consacrés au bon fonctionnement, à la modernisation, au maintien et au développement des services publics locaux. C’est pourquoi il faut désormais que les maires de France et leus concitoyens se mobilisent puissamment contre la mort annoncée des communes, qui signerait la fin du service public de proximité.

Pour réagir, pour signer le Manifeste des maires, allez sur www.manifestedesmaires.fr

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